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DVD: semence d’amour

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DVD du film «Semence d’Amour» : Prix 15.- + frais de port
DVD du film «Semence d’Amour» : Prix 15.- + frais de port

pour commander un dvd : annelaure@semencedamour.com

ou en vente à l’Atelier du Magnolia
chemin du Village 23, 1012 Lausanne : www.atelier-magnolia.ch

Quelques textes qui me touchent et que j’ai envie partager

Mouvement Colibri

«Depuis quelques années, un lame de fond traverse la société sans qu’elle en soit elle-même consciente. Des milliers de personnes, aux quatre coins du monde, se mettent à penser, à agir, à créer, à échanger, bref, à vivre différemment. Ils aspirent à se réaliser plutôt qu’à faire carrière, se soucient des autres, de la nature, cherchent à résoudre leurs problèmes personnels pour améliorer la société, sont non-violents, réfléchissent le monde comme un tout et plus comme un puzzle morcelé, aiment les cultures et les échanges, veulent prendre le temps de vivre et ne sont plus prêts à sacrifier leur famille, leur santé, pour gagner leur vie à tout prix, préfèrent regarder les problèmes comme une occasion de comprendre et de créer du neuf, savent que pour transformer la société il faudra sans doute faire tomber des barrières et apprendre à travailler ensemble, chacun à sa juste place, sentent que féminin et masculin doivent s’équilibrer, imaginent que l’argent pourrait redevenir un moyen d’échanger nos richesses plutôt qu’un instrument de pouvoir et de domination, rêvent et agissent, s’insurgent et trouvent des solutions, ne font pas de clivages entre ville et campagne, entre modernité et tradition, mais cherchent à rassembler ce que l’humanité a de meilleur, au profit de tous, sen sentent responsables de leur vie et de l’impact qu’ils ont sur le monde, prennent du temps pour aimer, admirer, se relier à eux, aux autres, à la nature et prendre soin de la Vie sous toutes ses formes.
Ces personnes sont comme vous et moi, rien ne les distingue au premier regard. Certains s’appellent entre eux «Colibri» en référence à une courte légende amérindienne* qu’ils se répètent de bouches à oreilles.
Dans certains endroits, ces colibris se regroupent et développent des trésors d’ingéniosité, inventent de nouvelles façons de vivre ensemble, de communiquer les uns avec les autres, de se nourrir, de construire ou de transformer des villages et des villes, de produire de l’énergie sans épuiser les ressources, d’échanger et de faire commerce sans exploiter qui que ce soit, sans porter atteinte à l’intégrité, à la liberté ou la dignité d’autre personnes, ils offrent une attention immense aux enfants, tâchent de les éduquer sans violence, en relation avec qui ils sont, leurs émotions, leurs talents, expérimentent d’autres façons de prendre des décisions collectivement, cessent de travailler pour vivre mais s’épanouissent dans des activités qui les font vivre, qui ont du sens pour eux et pour la communauté dans laquelle ils grandissent.
Ces colibris sont partout, disséminés dans une société qu’ils ne sentent plus à même de porter l’humanité au XXIème siècle. Ils sont nombreux, si nombreux qu’ils pourraient sans doute peser sur la transformation du monde, s’ils prenaient conscience de leur nombre et de leur pouvoir. Regarder bien autour de vous. Peut-être en connaissez-vous qui se reconnaîtraient en partie dans cette description. Peut-être même êtes-vous l’un d’entre eux…
*La légende du Colibri
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissant le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit: «Colibri! Tu n’es pas fou? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu!» Et le colibri lui répondit: «Je le sais, mais je fais ma part.»
Lettre du mouvement Colibri

Michel Maxime Egger

«Les motifs utilitaristes, éthiques et spirituels sont, certes, entre-mêlés. Mais ma conviction profonde est que notre relation déséquilibrée et destructrice à la nature est, ultimement, l’expression de la manière dont nous la regardons et dont nous nous pensons comme être humains. Cela change tout si nous considérons la nature comme un simple paquet d’atomes et de gènes ou si nous la voyons – et surtout la vivons – comme une entité vivante à laquelle nous sommes intimement liés, pleine d’une conscience, d’une énergie et d’un Esprit qui la structurent, l’animent et la font tendre vers l’au-delà d’elle-même. Dans le premier cas, nous sommes devant une nature désenchantée, réduite à l’état «d’objet» exploitable et manipulable à l’envi par l’être humain et le système économique et financier. Dans le second cas, nous sommes face à un sujet «enchanté», c’est-à-dire habité d’une Présence qui nous appelle à une relation de cocréation et de communion.»

Extrait de la Revue internationale de théologie et de spiritualité 2008 «La Chaire et le Souffle» volume 3

Enfants du cosmos… «Les scientifiques, à leur manière, n’affirment rien d’autre. Par leurs découvertes, ils ont élargi cette conscience de notre appartenance tellurique en lui donnant une dimension cosmique. Nous ne somme pas, en effet, seulement poussières de terre, mais aussi poussières d’étoiles. Les particules à la base des atomes et molécules qui constituent nos organismes se sont formées dans le noyau d’étoiles antérieures à notre soleil, il y a quinze milliards d’années. Elles sont les mêmes qui composent les minéraux, les végétaux et les animaux dont nous nous nourrissons et avec lesquels nous partageons la même substance et identité physique.»

Extrait de la Revue internationale de théologie et de spiritualité 2008 «La Chaire et le Souffle» volume 2

Albert Jacquard

«Je dirai que nous avons abîmé notre rencontre avec l’autre. Nous avons, d’une certaine manière, raté la construction du ‘’Nous’’. La raison à cela est la compétition. Le fait de ne pas accepter et, même, de nier les différences (de culture, de religions, de philosophie ; etc.) a abouti à une situation de crise terrible pour l’humanité. ‘’Il est différent de moi et , par conséquent, il m’est inférieur. J’ai donc le droit de l’éliminer.’’ Avec cette attitude, nous supprimons la rencontre et, d’une certaine façon, nous nous rendons incapable de devenir véritablement humains.
Nous rencontrons l’autre, dans une expérience authentique et respectueuse, lorsque nous cessons de nous voir comme des objets, mais des personnes possédant cette capacité à être un ‘’Nous’’ et à penser à l’avenir. Cette métamorphose, qui nous fait aller de l’objet à la personne, n’est pas facile, mais elle est fondamentale. Mais cela signifie une chose primordiale, à savoir notre refus de cette compétition qui fabrique des gagnants et, bien plus nombreux, des perdants. Ce goût de la compétition est, pour moi, la première cause de notre erreur, surtout dans notre société occidentale. Une vraie attitude humaine serait de se dire: «Je n’ai pas à l’emporter sur l’autre. A quoi cela me servira-t-il ? Je serais, certes, un gagnant, à coup de guerre et d’exploitation, mais, au final, je deviendrai, moi-même, un perdant.» Le défi est là : apprendre à nos enfants à ne pas être des gagnants !»

Extrait du livre : Médecines et alimentation du futur, sous la direction de Philippe Desbrosses et Nathalie Calmé

Coline Serreau

«Nous appartenons à la nature et au système cosmique, nous sommes de la « nature ». Lorsque l’humain se vit comme séparé du cosmos, il est en danger. La véritable liberté, c’est d’accepter cette appartenance. Si l’on se représente le monde comme un grouillement énergétique d’atomes, je ne vois pas en quoi une pierre serait moins vivante qu’un être humain.»
«Le patriarcat. C’est un système qui établit la spoliation et la domination comme la norme de la société, et dans lequel les femmes, la nature et les peuples étrangers sont des colonies à exploiter. Je ne pense pas qu’une guérison sociale et écologique soit possible dans le cadre du système patriarcal. Il n’y aura que de petits ajustements, des pansements, pas de guérison structurelle. Tant que les écologistes n’auront pas pris conscience de cela, ils feront partie du même camp que ceux qui dominent et pillent le monde. Il est fondamental que la revendication antipatriarcale et la revendication écologique soient liées.»

Extrait du livre : Guérir la terre, sous la direction de Philippe Desbrosses

Nathalie Calmé

«L’écologie, bien plus, exige un changement structurel de nos économies, de nos façons de penser et de vivre l’espace et le temps, de nos relations géopolitiques et géostratégiques internationales, etc. L’écologie est également un processus psychologique qui doit induire une mutations de l’âme, de la subjectivité, des profondeurs de l’être…
Autre ligne de convergence : l’importance accordée à des valeurs qualitatives, à la fois sociales et personnelles, comme le plaisir ou l’imaginaire. Là, ce qui est visé est la volonté de ne pas restreindre le processus de guérison de la Terre – ou, pour être plus juste, le processus de guérison de notre relation à la Terre – à la seule dimension matérielle, quantitative. La Terre vivante n’est pas réductive à un tas de ressources qu’il nous faudrait ‘’gérer’’. Cette approche étroitement ‘’ressourciste’’, malheureusement dominante dans les milieux écologistes ou dans ceux qui se réclament du développement durable, ne voit pas que la Nature et aussi espace de sens, d’imaginaire, de symboles, de mythes, de plaisir et même – de sacré. Le recours à l’imaginaire est aussi important car il évite que l’ ‘’écologisation’’ des esprits, la sensibilisation à l’environnement ne prennent les chemins de la peur et de l’apocalypse. Il y a d’autres voies pour l’écologie, comme celle de l’action ludique, de la sagesse, du réenchantement du monde…»

Extrait du livre : Guérir la terre, sous la direction de Philippe Desbrosses

Pierre Rabhi

«Je crois sincèrement que l’humanité est dans l’âge infantile de son histoire. Je précise bien infantile et non enfantin! Dans ce dernier terme, il a y un parfum d’innocence, alors que l’infantilité est liée à notre cupidité. Dans les arbres que contemplons, beaucoup ne voient que des stères de bois! Tant que nous ne serons pas libérés de cette superpuissance du lucre, je ne crois pas que nous ayons le droit de nous dire ‘’évolués’’. Nous avons considéré l’argent comme le bien suprême et lui avons tout subordonné. La pollution des mers ou la destruction des forêts sont causées par cette suprématie accordée à la richesse monétaire. Tout cela est vraiment le signe de notre primarité! L’argent est devenu plus important que la vie. Mais, avec la crise alimentaire qui s’annonce à l’échelle du monde entier, nous nous rendrons compte que l’on ne se nourrit pas de dollars ni d’euros! nous allons devoir prendre conscience que les véritables trésors ne sont pas les richesses factices du système marchand.»
«Si j’insiste sur l’idée que l’éducateur doit enseigner le respect de la Terre, ce n’est pas uniquement pour elle, c’est aussi pour nous autres humains. Je le répète: je ne me fais aucun souci pour la survie de la planète. Elle en a vue d’autres! C’est pour l’humanité que je m’inquiète.»
«C’est pourquoi je pose souvent à mes interlocuteurs la double question: ‘’Quelle planète laisserons-nous à nos enfants? Quels enfants laisserons-nous à la planète?»

Extrait du livre : Guérir la terre, sous la direction de Philippe Desbrosses

Jean-Marie Pelt

«Aux yeux des Kogis, comme le note Eric Julien, «les blancs pensent bizarrement. Eux pensent toujours de la tête aux pieds, alors que les blancs penseraient plutôt des pieds à la tête». Qu’en est-il donc de cette opposition de pensée ? Un jeune Kogi s’en explique: «Si tu veux sortir d’une hutte et que je te montre où est la porte, tu vas te lever et tu vas sortir, et nous en resterons là. Si un Kogi veut sortir et que je lui montre la porte, il va commencer par aller à l’opposé, faire le tout de la hutte s’asseoir sous le toit, revenir au centre avant peut-être de se rapprocher de la porte. Pour nous, il n’est pas concevable de répondre directement à une question par une réponse.»
Ainsi donc les Kogis seraient moins prompts et «efficaces» que nous: en témoigne la différence entre leur civilisation et la nôtre. Mais le prix à payer pour justifier de notre prétendue efficacité est énorme : tout simplement la perte de la liberté. Pas la liberté inscrite au frontispice de nos édifices publics, non, la vraie, celle dont nous nous éloignons de plus en plus dans nos sociétés contraignantes, bureaucratisées, réglementées. L’Indien est libre parce qu’il est en paix avec lui-même et avec sa représentation du monde.
Ecoutons ce Huron qui, déjà au XVIIe siècle, s’écriait: «suis mon conseil et deviens Huron. Je vois clairement la profonde différence entre ta condition et la mienne. Je suis le maître de ma condition ; je suis le maître de mon corps; j’ai l’entière disposition de moi-même, je fais ce qu’il me plaît, je suis le premier et le dernier de ma nation, je ne crains absolument aucun homme : je dépends seulement du Grand Esprit. Il n’en est pas de même pour toi. Ton corps aussi bien que ton âme sont condamnés à dépendre de ton grand capitaine. Tu n’as pas la liberté de faire ce que tu as à l’esprit. Tu as peur des voleurs, des faux témoins, des assassins, et tu dépends d’une infinité de personnes dont la place est située au-dessus de la tienne. N’est-ce pas vrai?»
Paroles prophétiques pour nos sociétés sécuritaires, toujours plus contraignantes, qui multiplient les systèmes de surveillance et restreignent sans cesse le champ des libertés individuelles. Tandis que prolifèrent caméras, radars, véhicules banalisés, contrôles de toutes sortes, notre quotidien est de plus en plus encadré par des lignes jaunes à ne franchir sous aucun prétexte. Police et justice omniprésentes y veillent sur nos actes encadrés et judiciarisés à l’extrême. Chaque jour nous sommes davantage immatriculés, fichés, encartés, sondés, jusqu’à devenir les propres esclaves de nos robots. Un mouvement qui, dans l’avenir, soyons-en sûrs, ne fera que croître et embellir, comme l’a redouté à juste titre Hervé Kempf.»

Hormis cet épisode exceptionnel, les Indiens furent sommés de travailler pour les Blancs ou de déguerpir. Beaucoup moururent du fait d’un génocide qui fut aussi un ethnocide, puisque leurs civilisations s’éteignirent avec eux.
Pour rendre hommage à ces peuples de haute spiritualité, voici pour finir un texte bien connu, sans doute un des plus beaux hymnes consacrés à la nature, bien avant que n’ait vu le jour le mot « écologie ». Il s’agit d’un discours prononcé en 1854 par le chef Sealth, vivant au nord-ouest des Etats-Unis, dans la région où se construisit la ville qui porte aujourd’hui son nom, Seattle. Ce discours répond au président des Etats-Unis, Franklin Pierce, qui voulait acheter les terres de la tribu des Indiens Duwamishs:
«Le Grand Chef blanc de Washington nous a fait part de son désir d’acheter notre terre. Nous allons considérer votre offre, car nous savons que si nous ne vendons pas, l’homme blanc va venir avec des fusils et va prendre notre terre. Mais peut-on acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre? Etrange idée pour nous! Si nous ne sommes pas propriétaire de l’air, ni du miroitement de l’eau, comment pouvez-vous me l’acheter?
Chaque parcelle de cette terre est sacrée pour mon peuple, chaque aiguille de pin luisant, chaque grève sablonneuse, chaque écharpe de brume dans le bois noir, chaque clairière, le bourdonnement des insectes, tout cela est sacré dans la mémoire et la vie de mon peuple. La sève qui coule dans les arbres porte les souvenirs de l’homme rouge.
Nous faisons partie de cette terre comme elle fait partie de nous ; les fleurs parfumées sont nos sœurs; le cerf, le cheval, le grand aigle sont nos frères ; les crêtes des montagnes, les sucs des prairies, le corps chaud du poney et l’homme lui-même, tous appartiennent à la même famille.
Je suis un sauvage et ne connais pas d’autre façon de vivre. J’ai vu un millier de bisons pourrissant dans la prairie, abandonnés par l’homme blanc qui les avait abattus d’un train en marche. Je suis un sauvage et ne comprends pas que le cheval de fer fumant puisse être plus important que le bison, lui que nous ne tuons que pour rester en vie. Qu’est-ce que l’homme sans les bêtes ? Si toutes les bêtes disparaissaient, l’homme mourrait d’une grande solitude de l’esprit, car tout ce qui arrive aux bêtes ne tarde pas à arriver à l’homme. Toutes choses se tiennent.
Lorsque le dernier homme rouge aura disparu de cette terre et son souvenir ne sera plus que l’ombre d’un nuage glissant sur la prairie, ses rives et ses forêts abriteront encore les esprits de mon peuple, car ils aiment cette terre comme le nouveau-né aime le battement du cœur de sa mère. Ainsi, si nous vendons notre terre, aimez-la comme nous l’avons aimée, prenez soin d’elle comme nous en avons pris soin.

Le message de Sealth aura-t-il été entendu un siècle et demi plus tard ? Encore faudrait-il que nous autres Blancs sachions écouter le message des Indiens. Tatanga Mani, Indien de l’Alberta, mort presque centenaire, déplorait que les Blancs ne sachent pas écouter :
«Saviez-vous que les arbres parlent ? Ils le font pourtant. Ils se parlent entre eux et ils vous parleront si vous écoutez. L’ennui avec les Blancs, c’est qu’ils n’écoutent pas ; ils n’ont jamais écouté les Indiens, aussi je suppose qu’il n’écouteront pas les autres voix de la nature. Pourtant, les arbres nous ont beaucoup appris, tantôt sur le temps, tantôt sur les animaux, tantôt sur le Grand Esprit.» »

Extrait du livre : Nature et spiritualité, avec la collaboration de Franck Steffan

«Le saint homme est humble jusqu’à en être vide: «Trente rayons convergents réunis au moyeu forment une roue; mais c’est son vide central qui permet l’utilisation du char. Les vases sont faits d’argile, mais c’est grâce à leur vide que l’on peut s’en servir. Une maison est percée de portes et de fenêtres, et c’est leur vide qui la rend habitable. Ainsi l’être produit l’utile, mais c’est le non-être qui le rend efficace.»
Et le Tao-te-kind enchaîne: «Celui qui garde le tao ne désire pas être plein, mais vide. C’est pourquoi il peut paraître méprisable et dépourvu de perfection temporelle.»
Un autre taoïste célèbre, Zhuangzi, abonde dans le même sens en évoquant l’arbre tordu dont aucun menuisier ne peut faire des planches. Il continuera donc sa vie tranquille au bord du chemin. Malheur, au contraire, à l’arbre bien droit qui sera coupé et débité puis vendu par le bûcheron! L’inutilité est gage de sérénité. Etre inutile, vide, transparent, n’avoir ni idée préconçues, ni opinions tranchées, voilà l’idéal du saint homme ayant fait en lui le vide. Il est disponible et le courant de la vie l’emporte comme une feuille morte. Il va alors «d’ébattre dans la voie », dans le tao. Telle est la réponse que fit à l’un de ses adeptes Lao-tseu, ravi en extase, lorsqu’il revint à lui: «je m’ébattais dans l’origine des choses.»
L’état de transe est promis au saint homme qui s’abandonne au vide et au silence. Il évoque l’union mystique et relaie les pratiques du chamanisme qui précéda sans doute en Chine le taoïsme. Les Chinois sont en effet, comme tous les autres peuples, passés d’abord par l’animisme et le chamanisme. Ils redoutent les puissances maléfiques et appellent de leurs vœux l’intervention de génies bienfaisants auxquels ils font des offrandes sur des tables à encens. Tel est le rituel dans la pratique religieuse se référant au tao. Mais cette référence peut être lointaine et l’observance des rituels, comme dans toute religion, peut l’emporter sur la méditation des Livres saints. En matière religieuse, il advient que le fleuve ait oublié sa source!»

Extrait du livre : Nature et spiritualité, avec la collaboration de Franck Steffan

«Très New Age et touchante, l’initiative des jardins de Findhorn, en Ecosse, à deux cents kilomètres au nord d’Edimbourg. Dans ces espaces désolés, battus par la mer et le vent, le climat est rude, la terre revêche. Néanmoins, un jour de l’automne 1962, Peter Caddy, ancien officier de la Royal Air Force, décida de cesser l’exploitation pourtant rentable de son hôtel pour s’installer avec sa femme Eileen, leurs enfants et une amie, Dorothy McLean, dans leur caravane familiale, sur le terrain de camping de Findhorn. Eileen et Dorothy pratiquent le chaneling : elles reçoivent des messages de créatures célestes exhortant la petite communauté à créer un jardin potager sur ce sol où ne poussent qu’ajoncs et herbes folles. La famille entreprend de fabriquer du composte à l’aide de paille, d’algues et de crottin de cheval. Le sol s’amende, mais nos modernes Robinsons découvrent que sa fécondité augmente à l’aune de l’amour qu’ils mettent dans leur tâche et qu’ils transmettent à la terre : « j’étais réellement conscient des radiations de lumière et d’amour qui passaient à travers moi lorsque je travaillais. (…) Ce travail avait transformé ce lieu et créé un impalpable mur de lumière, comme un champ de forces autour de la caravane.»
Quelques mois plus tard, Dorothy reçoit au cours de sa méditation un message émis par un esprit habitant le royaume des plantes, un ange, un deva. Peter savait «que les devas font partie de la hiérarchie angélique qui maintient le modèle archétypal de chaque espèce et canalise l’énergie pour aider une plante à prendre forme sur le plan physique». A partir de là commence une longue collaboration dans le jardin. Les légumes, les fruits, les fleurs sont magnifiques. Nombre de curieux accourent, et les années soixante-dix voient affluer d’abord les écotouristes, puis des amis, bientôt des adeptes. Une communauté se forme. La fondation Findhorn est née.

… Un autre courant, dans les eaux mêlées du New Age, est aussi issu des ìles britanniques. Il s’agit de la fameuse hypothèse Gaïa, avancée par le géophysicien James Lovelock en collaboration avec la biologiste américaine Lynn Margulis. Dans la mythologie grecque, Gaïa personnifie la Terre-Mère. Selon Lovelock, la Terre serait un organisme vivant, autorégulé comme tous les organismes individuels qu’elle porte dans sa biosphère, et comme tous les phénomènes qui permettent à la géosphère et à l’atmosphère de conserver les équilibre. Il s’agit là d’un équilibre cybernétique où les effets rétroagissent sur les causes : un équilibre de nature cyclique, non linéaire. C’est ainsi que l’évolution des êtres vivants a modifié par exemple l’atmosphère de la Terre en l’enrichissant d’oxygène grâce à la photosynthèse des algues vertes marines. Cette nouvelle atmosphère a permis à son tour des étapes suivantes de l’évolution. Tout comme nos aliments sont digérés et recyclés par nos organismes, la Terre digère et recycle les débris animaux et végétaux. L’autorégulation est la règle; l’équilibre, le résultat. Mais l’homme peut déséquilibrer cet organisme vivant, tout comme le sien propre peut lui aussi se déséquilibrer. Que des cellules prolifèrent anarchiquement, et c’est le cancer ; que les humains prolifèrent à la surface du globe, et c’est le cancer urbain. De même, que les hommes modifient radicalement la composition de l’atmosphère, et c’est un dérèglement du climat, le fameux réchauffement climatique qui se produira à leurs dépens. Peut-être que l’homme sera-t-il, in fine, éliminé comme tant d’espèces l’ont été avant lui au long de l’histoire géologique et biologique du globe.»

Extrait du livre : Nature et spiritualité, avec la collaboration de Franck Steffan

Christiane Singer

«N’oublie pas les chevaux écumants du passé. Il n’ont, pour se faire entendre, que leur sueur et le battement de leur sang affolé par la course.
Du fond des temps…
Dans un galop fou…
Ils viennent de si loin…
L’étrange est qu’ils n’apportent aucun message, aucun rouleau de parchemin glissé sous un harnais. Leur message n’a pas de mots, pas de contenu, il ne se formule pas, n’a jamais été envoyé ni reçu, ni gravé sur un fronton.
C’est un frémissement amoureux.»

«Alors que, dans le ventre de ma mère, je savais encore, selon le Talmud, tous les secrets du monde créé, l’Ange de l’Oubli, au moment où je naquis, me frappa sur la bouche et me plongea dans l’amnésie. La brutalité de ce geste m’a longtemps stupéfiée. Aujourd’hui, j’ai cessé d’y voir une malédiction. J’y ai découvert l’obligation qui m’est faite d’entrer en relation avec les autres. C’est par eux que passe ma survie. Chacune des multiples rencontres que je fais me permet de reconstituer avec une patience d’archéologue la mosaïque de savoir et de la sagesse innée. Si le savoir était entier en chacun de nous, ne serions-nous pas autistes? Le grand détour par une vie humaine perdrait tout sens.
Aussi la tâche la plus lumineuse qui nous incombe consiste-t-elle à transmettre à notre tour ce que nous avons reçu et à éduquer nos enfants. Ce mot ne déplaît qu’à ceux qui n’en ont pas saisi la saveur. E-ducere. Conduire dehors. De la même manière que Dieu prend Abraham par la main : « Il le conduisit dehors et lui dit : Lève les yeux et dénombre les étoiles si tu le peux. Telle sera ta postérité.» C’est à l’inouï, à l’inconcevable, que nous sommes invités. «Nous avons le choix, disait Friedrich von Weiszäcker, entre prendre la Bible à la lettre ou la prendre au sérieux.» Ce n’est pas à accroître sa postérité que Dieu convie Abraham mais à faire usage de l’extraordinaire potentiel qu’il a devant lui, à prendre conscience de l’infini des possibles: Dénombre les étoiles si tu le peux ! Voilà l’éducation: révéler à l’enfant l’immensité qui l’entour et qui l’habite. Tout le reste vient longtemps, longtemps après.»

«Chaque jour nouveau, je suis appelée à réactualiser l’espérance, à renouveler l’alliance. Chaque jour de neuf.
Le meilleur lieu d’apprentissage est l’amour de l’homme et de la femme. Quand nous entrons en amour, toutes les catastrophes nous guettent. Pourquoi ? Parce que nous nous leurrons. Nous croyons que l’amour vient de nous être octroyé par la personne que nous aimons – et que cette personne détient l’amour. Or l’amour n’est aux mains de personne. Ni entre mes mains, en entre les siennes. Il est entre nous. Il est ce qui, entre nous s’est tissé depuis notre première rencontre, ce que l’espace insaisissable entre a engendré et continue d’engendrer d’instant en instant. Une œuvre fluide et perfectible à l’infini.
Entrer en amour nous met dans un état de transparence, de bienveillance envers le monde entier, d’ouverture du cœur, de solidarité naturelle.
Le piège qui nous guette est de faire une idole de l’être aimé et lui attribuer le miracle de cette transformation. Dès lors, puisque tout paraît dépendre de lui, je cours le risque d’en faire soit mon despote soit mon esclave – deux visage d’une même réalité. Le fluide de l’amour coagule aussitôt et se pétrifie.
Si nous déjouons ce piège, nous avons rendez-vous avec le Réel – cet espace grandi, cette dilatation de tout l’être qui est le fruit de la relation vraie. C’est ce fruit qui mérite le nom d’amour – il mûrit entre les hommes et les femmes. Il n’y a aucune matière qui soit plus précieuse au monde en devenir.
Comme autrefois dans le ventre de notre mère le liquide amniotique où nous voguions, cet espace qui nous entoure est l’espace nourricier. L’essentiel est entre. L’essentiel est dans le mouvement de navette entre les bords, entre les rives, l’allée et venue de cet instant à l’instant où nous nous séparons, de l’instant de la naissance l’instant de la mort, de ma bouche à votre oreille, de votre cœur au mien, de l’aube au crépuscule. L’allée et venue entre l’homme et la femme, l’espérance et la désespérance, le monde visible et le monde invisible, le temps horizontal et l’éternité. L’essentiel respire entre.»

Extrait du livre : N’oublie pas les chevaux écumants du passé

Philippe Jaccottet

«Longer le pré aujourd’hui m’encourage, m’égaie. C’est plein de coquelicots parmi les herbes folles.
Rouge, rouge! Ce n’est pas du feu, encore moins du sang. C’est bien trop gai, trop léger pour cela.
Ne dirait-on pas autant de petits drapeaux à peine attachés à leur hampe, de cocardes que peu de vent suffirait à faire envoler? ou de bouts de papier de soie jetés au vent pour vous convier à une fête, à la fête de mai? Fête de l’herbe, fête des prés.
Mille rouges, dix mille, et du plus vif, tant ils sont brefs! Gaspillés pour la gloire de mai.
Toutes ces robes transparentes ou presque, mal agrafées, vite, vite! dimanche est court…
Le pré revient. Il est tout autre encore que cela, bien plus candide, bien plus simple. Toutes ces «trouvailles» le trahissent, le dénaturent. Il est aussi bien plus étrange. Plus vénérable même, malgré tout?
Il est la chose simple, et pauvre, et commune; apparemment jetée tout au fond, par terre, répandue, prodiguée. La chose naïve, insignifiante, bonne à être fauchées ou même foulée. Et néanmoins grave, si l’on y songe mieux, grave à force d’être pure, innocente, à force d’être simple. Grave et grande. Autant que pierres et rivières, autant que toute chose du monde.
A ras la terre, ces mille choses fragiles, légères, ce vert jaunissant déjà, ce rouge éclatant et pur; et pourtant, entre terre et ciel (quand le chemin passe en contrebas, je m’en assure). Donc elles montent aussi, ces herbes folles, ces fleurs vives et brèves; même ces modestes soeurs du sol montrent le haut; et ces pétales de papier, s’ils tiennent à peine à la tige, c’est qu’ils se confient, c’est qu’ils livrent à l’air… Lui ressembleraient-ils? Et s’ils étaient des morceaux d’air tissé de rouge, révélé par une goutte de substance rouge, de l’ai en fête?
Choses innocentes, inoffensives. Enracinées sans doute par en bas, mais un peu plus haut presque libres, détachées. Exposées, offertes. Comme un dimanche de cloches gaies dans la semaine des champs, comme quand les filles vont danser en bandes l’après-midi au village le plus proche.
Ces choses, herbes et fleurs, ces coloris, cette foule, entr’aperçus par hasard, en passant au milieu d’un vaste et vague ensemble, herbes et coquelicots croisant mes pas, ma vie, pré de mai dans mes yeux, fleurs dans un regard, rencontrant une pensée éclats rouges, ou jaunes, ou bleus, se mêlant à des rêveries, herbes, coquelicots, terre, bleuets, et ces pas entre des milliers de pas, ce jour entre des milliers de jours.»

Le pré de mai extrait de : Paysages avec figures absentes